Des œuvres dans l’espace public suscitent polémique, sont dégradées, contestées. Les critiques morales sont de retour. De nouvelles formes d’autocensure apparaissent, de la part d’artistes ou d’institutions, parfois soumises à des pressions extérieures. La création dégagée de toute contrainte existe-t-elle encore ?
Ill. : Amélie Clavier pour NOTO, 2020.
Pourquoi des femmes et des hommes continuent-ils à vouloir brimer la liberté des artistes ? Peut-être parce que l’activité créatrice est source de nouveauté, donc de changement et de désordre. Dans ce contexte, le couple censure/liberté est un thème de prédilection pour ceux qui s’intéressent aux rapports entre culture et politique, d’autant que le XXe siècle a démontré, au travers des régimes nazi et soviétique par exemple, que la forte oppression des groupes culturels entraînait une plus forte résistance pour la liberté. Mais, contrairement à l’idée répandue, toute « interdiction » n’est pas « censure » : le vocable n’est pas anodin pour l’historien Laurent Martin, car « la définition juridique de la censure, du moins dans la tradition libérale, distingue classiquement le régime préventif, dans lequel l’autorité administrative intervient a priori de la mise à disposition du public de l’œuvre ou de l’objet médiatique pour empêcher, différer ou modifier les formes de cette diffusion, et le régime répressif, dans lequel l’intervention s’effectue, le cas échéant, a posteriori de la diffusion, pour sanctionner les abus ou réparer les dommages causés par celle-ci » (L. Martin, « Les censures : une histoire ancienne, des formes nouvelles », in L. Martin (dir.), Les Censures dans le monde, Presses universitaires de Rennes, 2016, p. 10, avril 2019. V. égal. P. Ory (dir.), La Censure en France à l’ère démocratique (1848-...), Complexe, 1997)). Ainsi, les nombreuses coupes opérées à la demande de l’administration par Roger Vadim sur son film Et Dieu... créa la femme (1956) sont bien des censures, tandis que la condamnation judiciaire des Fleurs du mal de Charles Baudelaire (1857) constitue une interdiction et non une censure proprement dite (Plus largement, nous invitons le lecteur à (re)lire les vibrants plaidoyers de Maître Maurice Garçon : Contre la censure et autres plaidoyers pour les arts et les lettres, Les Belles Lettres, 2016).
Perçue comme la patrie des libertés – alors que le Royaume-Uni fut le plus à l’avant-garde –, la France n’a affirmé que par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 que « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». Un droit fondamental consacré par les lois du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication des médias audiovisuels et du 21 juin 2004 sur la liberté de communication au public par voie électronique. En Europe, cette liberté est confirmée par l’article 10 de la Convention de sauvegarde européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Convention EDH) de 1950 : « Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontières ».
La liberté commande donc aux citoyens et à l’État de ne pas accomplir des actions qui l’entraveraient et implique une double facette : la liberté en tant que capacité de faire ou de choisir, et la liberté en tant qu’exercice concret de la capacité de faire ou de choisir. Dès lors, créer n’est rien d’autre que donner existence à ce qui n’était pas et concevoir à partir de rien serait la liberté suprême de l’artiste. Néanmoins, la doctrine s’est longtemps interrogée sur l’existence d’une liberté de création, puisque « s’exprimer » et « créer » ne sont pas synonymes (D. Cohen, « La liberté de créer », in Rémy Cabrillac (dir.), Libertés et droits fondamentaux, Dalloz, 2019, 25e éd., p. 636). La création est-elle alors libre ?
CONSÉCRATION LÉGISLATIVE
Sous l’Ancien Régime, Louis XVI avait proclamé la liberté de l’art par la déclaration de Versailles du 15 mars 1777 – l’Académie royale de peinture et de sculpture en tira sa devise, Libertas artibus restituta (« La liberté rendue aux artistes »). Cependant, aucune formulation de principe ne fut réellement édictée ultérieurement, hormis à l’article 27-2° de la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948), selon lequel « chacun a droit à̀ la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l’auteur » ou à l’article II-13 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (2000), pour laquelle « les arts [...] sont libres ». Les juges français et européens n’ont pas attendu une consécration législative pour reconnaître l’existence de cette liberté de créer, en prenant appui sur la liberté d’expression. Pour la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), l’article 10 de la Convention EDH, bien que ne visant pas expressément la liberté artistique, « permet de participer à l’échange public des informations et des idées culturelles » (CEDH, 24 mai 1988, n° 10737/84), et « ceux qui créent, interprètent, diffusent ou exposent une œuvre d’art contribuent à l’échange d’idées et d’opinions indispensables à une société́ démocratique » (CEDH, 21 janvier 2007, n° 68354/01). Partant, « la liberté de création artistique se distingue de la liberté de la presse, de la liberté de communication audiovisuelle et de la liberté de communication en ligne, ces trois libertés étant elles-mêmes des branches de la liberté d’expression. La liberté de création artistique constituerait donc une partie de la liberté d’expression dans le domaine des arts » pour Philippe Mouron, maître de conférences en droit à l’université Aix-Marseille et spécialiste en propriété littéraire et artistique (Auteur de « La liberté de création artistique au sens de la loi du 7 juillet 2016 », in Revue des droits et libertés fondamentaux, 2017, chronique n° 30 (www.revuedlf.com). V. égal. sous sa direction : Liberté de création, architecture et patrimoine. Regards croisés sur la loi du 7 juillet 2016, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2018).
Néanmoins, l’attentat contre Charlie Hebdo en janvier 2015, la récurrence du vandalisme des œuvres d’art contemporain dans l’espace public et l’absence de consécration par le droit positif ont fait prendre conscience de l’importance de la liberté dont devaient jouir les créateurs (V. not. Pierre Noual, « Vandalisme, une histoire de l’art en négatif », in NOTO n° 13). En ce sens, Fleur Pellerin, alors ministre de la Culture, a rapidement déposé un projet de loi affirmant en son article 1er que « la liberté de création est libre ». Elle justifiait dans l’exposé du projet que « cette reconnaissance législative est désormais essentielle, à l’heure où l’environnement de la création artistique connaît de profondes mutations, qui se traduisent par de nombreuses remises en cause affectant la liberté de créer, les choix artistiques des créateurs et plus généralement le rapport du citoyen à la culture ». Ceci explique peut-être la vivacité des débats entre l’Assemblée nationale et le Senat, qui ont démontré les ambiguïtés structurelles de cette liberté en indiquant son absence d’autonomie et de régime juridique. Un constat qui n’a pas échappé à la vigilance du Conseil d’État, pour lequel ces dispositions « ne pouvaient trouver leur place dans le présent projet de loi que parce qu’elles fixent des objectifs à l’action de l’État en matière culturelle » (Conseil d’État, avis du 2 juillet 2015, n° 390121). Le législateur a dû montrer que tel n’était pas le cas en instaurant une nouvelle infraction à l’article L. 431-1 du Code pénal, selon laquelle « le fait d’entraver, d’une manière concertée et à l’aide de menaces, l’exercice de la liberté de création artistique ou de la liberté de la diffusion de la création artistique est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ».
Désormais gravés dans la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, ces principes ont comblé une lacune juridique, même si Philippe Mouron estime qu’« aucune liberté nouvelle n’est consacrée, car le recours à la liberté de création ne sert que de préambule symbolique et politique ». En effet, la création n’est pas une zone de non-droit : elle a des règles. Une analyse qui se confirme à la lecture de l’article 2 de la loi, car, si « la diffusion de la création artistique est libre, [elle] s’exerce dans le respect des principes encadrant la liberté́ d’expression et conformément à la première partie du Code de la propriété intellectuelle ». Étrange paradoxe d’une création qui est libre, mais dont la diffusion se trouve limitée.
UNE LIBERTÉ ENCADRÉE
Par principe, aucune censure préalable ne régit la création artistique – à la différence de la production cinématographique, au travers de la délivrance a priori d’un visa d’exploitation. Autrement dit, ce n’est qu’en cas d’atteinte aux libertés fondamentales ou autres droits que le juge devra estimer si la diffusion d’une création doit être restreinte a posteriori (Les autorités peuvent interdire très exceptionnellement des représentations a priori lorsqu’elles risquent de troubler l’ordre public, comme le fut celle du Mur de Dieudonné (Conseil d’État, 9 janvier 2014, ordonnance n° 374508)).
Dans le premier cas, une création peut être limitée en présence d’un discours diffamatoire ou injurieux, ou bien en raison d’une incitation à la haine (apologie des crimes contre l’humanité, propos antisémites, racistes, homophobes, etc.) ou parce qu’attentatoire à la dignité humaine. C’est pour cette raison que Dieudonné a régulièrement été condamné pour ses propos contre le judaïsme – songeons à la « quenelle » ou à Shoananas –, et non le journal Charlie Hebdo dans le cadre du procès des caricatures de Mahomet, car, en dépit de leur caractère choquant, voire blessant, pour la sensibilité des musulmans, les dessins litigieux ne constituaient pas une injure (Cour d’appel de Paris, 12 mars 2008, n° 07/02873). Cela revient à dire qu’une publication perçue comme « irrespectueuse » à l’égard d’une religion peut être libre si elle ne vise pas directement les croyants : le blasphème n’existe d’ailleurs pas en droit français. Ainsi, la pièce de théâtre Golgota Picnic de Rodrigo García – où Jésus était qualifié de « pyromane » et de « messie du sida » – n’a pu être interdite car, bien que provocatrice, elle n’incitait pas au rejet ou à la haine des chrétiens (Cour de cassation, 14 novembre 2017, n° 16-84.945). Une position qui pourrait s’expliquer, selon Denis Ramond, docteur en science politique et auteur de deux ouvrages vivifiants sur la liberté d’expression (D. Ramond, La Bave du crapaud. Petit traité de liberté d’expression, L’Observatoire, 2018, et Images défendues. La liberté d’expression face à la pornographie, Classiques Garnier, 2019), par le fait que « la France se croit très attachée à cette liberté, mais elle est, en réalité, attachée à la ‘‘gauloiserie’’ satirique et anticléricale, dont les cibles habituelles sont la morale et les institutions religieuses ». En revanche, « elle serait bien plus frileuse dès qu’il s’agit de liberté politique ou de questions sécuritaires, comme l’a montré la polémique autour de Salafistes », documentaire de François Margolin et de Lemine Ould Salem, qui avait reçu du ministère de la Culture une interdiction aux moins de 18 ans, annulée par le Conseil d’État le 5 avril 2019. De surcroît, la liberté doit se concilier avec le respect de la vie privée prévu par l’article 9 du Code civil : si une personne qui avait été photographiée sans son accord par François-Marie Banier n’a pu faire primer le droit à l’image (Cour d’appel de Paris, 5 novembre 2008, n° 06/03296), le juge a pu condamner Stock, éditeur du livre de Marcela Iacub Belle et Bête – narrant sa relation avec Dominique Strauss-Kahn –, car l’ouvrage était attentatoire à la vie privée de l’homme politique (Tribunal de grande instance de Paris, 26 février 2013, ordonnance de référé n° 13/51631). En conséquence, il n’est pas anodin que certains auteurs plaident pour une autonomie de la création qui ne serait assujettie aux normes ni morales, ni politiques, ni religieuses, étant donné que l’œuvre ne serait pas la réalité (V. not. A. Tricoire, Petit Traité de liberté de création, La Découverte, 2011).
Dans le second cas, le droit d’auteur peut constituer une restriction à la liberté de création, à la condition que celle-ci soit justifiée et proportionnée dans une société démocratique. Pour Philippe Mouron, « c’est là le problème que pose cette balance des intérêts entre le droit d’auteur et d’autres libertés fondamentales, alors même que les exceptions du droit d’auteur sont censées garantir un tel équilibre. Aussi la liberté de création ne saurait-elle être invoquée avec succès dans tous les cas de figure ». C’est ainsi que la production du Dialogues des carmélites par Dmitri Tcherniakov fut contestée par les ayants droit de Georges Bernanos et de Francis Poulenc, mais la liberté devait primer : le travail de mise en scène « consiste à trouver, sans dénaturer le caractère de l’œuvre adaptée, une expression nouvelle de la substance de l’œuvre » (Cour d’appel de Versailles, 30 novembre 2018, n° 17/08754). En revanche, il en irait autrement en matière graphique et plastique, comme le montrent les condamnations de Jeff Koons pour contrefaçons de Naked et de Fait d’hiver. Dans ces deux affaires, le plasticien avait tenté de mettre en échec le droit d’auteur des artistes antérieurs en invoquant sa liberté d’expression, mais celle-ci fut à chaque fois écartée au motif qu’il ne pouvait prétendre avoir voulu susciter des débats touchant l’intérêt général ou l’art, qui justifieraient une telle appropriation d’œuvres protégées (Tribunal de grande instance de Paris, 9 mars 2017, n° 15/01086 et 8 novembre 2018, n° 15/02536). Pour Philippe Mouron, « il paraît plus difficile de donner un sens nouveau à une œuvre préexistante sans en reprendre des éléments constitutifs, et donc sans les dénaturer au sens du droit moral. C’est bien ce qui a été reproché à Koons dans ces affaires ». Il est vrai que la pratique « appropriationiste » de certains artistes suscite aujourd’hui de nombreuses interrogations et creuse un peu plus le fossé suivant de quel côté de l’Atlantique on se trouve : à l’aune du droit d’auteur états-unien (copyright), Koons aurait probablement pu reprendre sans craintes les œuvres d’artistes antérieurs au regard de la notion de l’usage raisonnable (fair use). Le droit d’auteur à la française doit-il alors empêcher tout regard critique en conférant un monopole quasi absolu sur l’interprétation d’une image au motif qu’un artiste qui reprendrait cette dernière pour sonder la société ne ferait aucun effort créatif ? Cette construction juridique ne cesse de questionner l’art, alors même que la copie fut l’apanage de la formation classique des artistes, et sa pratique irait à l’encontre du droit contemporain.
Dès lors, la consécration législative de la liberté de création serait-elle illusoire ? Réponse délicate, dans la mesure où les contentieux en la matière préfèrent encore se placer sous l’égide de l’article 10 de la Convention EDH. On peut toutefois en remarquer une rare utilisation à propos de l’interdiction de photographier au sein des expositions temporaires du musée du Louvre, bien que, pour les juges, celle-ci ne constitue pas une atteinte disproportionnée puisqu’il est possible aux usagers d’obtenir des autorisations exceptionnelles pour photographier (Tribunal administratif de Paris, 28 mars 2019, n° 1708973/5-2. Cf. V. égal. C. Châtelet, « No Photo ! », in NOTO n° 8, hiver 2017 ; P. Noual, « Photographier au musée. Guide de sensibilisation juridique à l’usage du visiteur-photographe », 2017 (invisu.inha.fr)). Pis, il est possible de douter de la portée de la nouvelle infraction, qui n’a pour l’heure jamais été mise en œuvre. Comme le note Agathe Lepage, professeure de droit à l’université Paris-II-Panthéon-Assas, « l’observateur en vient à se demander si la nouvelle incrimination d’entrave n’est pas destinée à marquer les esprits plus qu’à être l’instrument d’une répression significative » (A. Lepage, « Un nouveau délit d’entrave dans le Code pénal : l’entrave à la liberté de la création artistique », in Légicom, 2017, vol. 58, n° 1, p. 55). Le récent scandale à propos de la représentation des Suppliantes d’Eschyle à la Sorbonne – dont la mise en scène de Philippe Brunet était jugée raciste par certains groupuscules qui ont bloqué la représentation – aurait pu être l’occasion pour le juge de préciser cette infraction : si entrave il y a, est-ce à l’égard de l’auteur, du metteur en scène, des acteurs ou du public ? Pour Carole Talon-Hugon, professeure de philosophie à l’université Paris-Est-Créteil et membre de l’Institut universitaire de France, la situation contemporaine a ceci de paradoxal « que le mantra de la ‘‘liberté de création’’ y est partout présent, en même temps que la montée en puissance d’injonctions et de critiques moralisatrices la contredit ».
AUTRES TEMPS, AUTRES MŒURS ?
Les demandes de censure ou d’interdiction à propos d’œuvres ne sont certes pas chose nouvelle. L’histoire est émaillée de polémiques et de scandales qui ont divisé l’opinion et révélé des divergences morales (V. not. P. Cabanne, Le Scandale dans l’art, La Différence, 2007 ; T. Schlesser, L’Art face à la censure. Six siècles d’interdits et de résistances, Beaux Arts éditions, 2019) : Madame Bovary de Gustave Flaubert souleva la société contre l’introduction d’un nouveau langage sur le corps et sur les relations conjugales, tandis que l’Olympia d’Édouard Manet choqua ses contemporains par le traitement sans idéalisation du portrait d’une prostituée, allant à l’encontre des principes académiques. Le problème est que ces demandes semblent avoir augmenté de façon exponentielle ces dernières années, et peut-être même de façon inquiétante, puisqu’elles ne sont plus le fait de l’État, mais d’« associations procureurs » – La Mouette, Civitas et autres Promouvoir – qui entendent maîtriser les effets de la création artistique au nom d’une certaine idée de la morale, en traitant l’espace public comme l’espace privé (Le qualificatif de « bonnes mœurs » a disparu du droit français depuis 1994). « La censure révèle à quel point les images ont une fonction, puisqu’elles sont bien comprises par ceux qui souhaitent les interdire », analyse Thibault Boulvain, historien de l’art et spécialiste de la représentation.
Face aux pressions de ces Anastasie modernes, l’artiste doit-il s’empêcher de créer pour ne pas s’interroger sur le racisme, les identités sexuelles, le colonialisme ou le sort des migrants ? C’est ce phénomène qu’analyse Carole Talon-Hugon, auteure d’un récent essai salutaire (C. Talon-Hugon, L’Art sous contrôle. Nouvel agenda sociétal et censures militantes, PUF, 2019) : « La valeur artistique d’une œuvre ne se réduit pas à sa seule valeur esthétique : sa valeur éthique – lorsque valeur éthique il y a – compte aussi, au sens où un défaut moral diminue sa valeur globale et où ses qualités morales augmentent cette dernière. La ‘‘critique-éthique’’, c’est-à-dire la prise en compte des valeurs éthiques dans l’évaluation d’une œuvre, est en ce sens légitime. Il n’en est pas de même de la ‘‘critique-censure’’ qui se répand aujourd’hui et qui, d’une part, semble considérer que la valeur d’une œuvre ne consiste que dans sa valeur morale, ou que cette dernière annule toutes les autres, et qui, d’autre part, ne se contente pas de dévaluer les œuvres incriminées, mais entend, plus radicalement, les censurer. À quoi s’ajoute le fait que cette critique-censure actuelle porte parfois sur des œuvres éthiquement neutres, mais dont l’auteur a eu, au cours de son existence privée, des conduites répréhensibles. L’œuvre n’est alors pas censurée parce qu’elle est éthiquement néfaste, mais au motif qu’elle serait contaminée par les défauts éthiques de son auteur ». Les récents appels au boycott des films de Woody Allen ou à l’interdiction de la rétrospective Roman Polanski prévue à la Cinémathèque française, à Paris, relèvent de ce dernier cas de figure. S’y ajoutent les condamnations qui, elles, portent plus directement sur le contenu de l’œuvre elle-même : celles de Thérèse rêvant de Balthus – qui encouragerait la pédophilie – ou des Métamorphoses d’Ovide – qui promouvrait la culture du viol. Cependant, pour la philosophe, « la situation actuelle semble extravagante, car cette prise en considération de la dimension éthique est devenue exclusive. Elle a pris des formes extrêmes, à savoir une prise de pouvoir absolu de l’éthique sur l’artistique au travers de formes radicales de censure ».
Il convient donc seulement d’observer quand le Rubicon juridique de la liberté est franchi (V. not. C. Delavaux et M.-H. Vignes, Les Procès de l’art. Petites histoires de l’art et grandes affaires de droit, Palette, 2018). Par exemple, les tableaux vivants de l’exposition Exhibit B, de Brett Bailey – qui avaient pour objet de dénoncer la période coloniale –, ont été jugés comme ne portant pas atteinte à la dignité humaine (Conseil d’État, 11 décembre 2014, n° 386328), alors qu’Anish Kapoor a été condamné à masquer les tags antisémites apposés par des tiers sur son Dirty Corner au château de Versailles à l’automne 2015 (Tribunal administratif de Versailles, 19 septembre 2015, n° 1506153). En effet, si l’artiste avait souhaité dénoncer a posteriori l’antisémitisme, il ne pouvait invoquer sa liberté d’expression puisque le vandalisme avait modifié l’intention première de son œuvre. À l’inverse, « une prise de position haineuse et antisémite caractérisée, travestie sous l’apparence d’une production artistique, est aussi dangereuse qu’une attaque frontale et abrupte » (CEDH, 10 novembre 2015, n° 25239/13). Les juges sont donc parfaitement capables de ne pas se laisser berner par le recours abusif à la notion de fiction ou de liberté de création quand c’est de simple expression qu’il s’agit. C’est pourquoi le rappeur Orelsan ne pouvait être sanctionné pour les paroles de Sale Pute, car cela « reviendrait à censurer toute forme de création artistique inspirée du mal-être, du désarroi et du sentiment d’abandon d’une génération en violation du principe de la liberté d’expression » (Cour d’appel de Versailles, 18 février 2016, n° 15/02687). Les artistes provoquent, leur liberté progresse.
Une contemporanéité marquée d’un autre paradoxe : les récentes revendications entendent servir une cause sociétale et catégorielle, qu’il s’agisse de la lutte LGBTQI+, de l’écologie ou du passé colonial. Cette ambiguïté se retrouve dans le fait de renommer les titres de certaines œuvres, perçus comme racistes, sexistes ou offensants ; ce fut le cas au Rijksmuseum d’Amsterdam ou au musée d’Orsay (V. not. A. Curnier, « La couleur des pivoines », in NOTO n° 8, hiver 2017). Une tendance extrêmement inquiétante pour Denis Ramond, puisqu’« une telle démarche revient, sous prétexte de bonnes intentions, à se priver d’une clef d’accès essentielle pour comprendre le regard et l’intention des artistes [ou des collectionneurs lorsque les œuvres n’étaient pas nommées, ndlr]. Or il se trouve que le mal est fait et que nous avons tout intérêt à regarder ces manières de nommer et ces manières de voir droit dans les yeux, plutôt que de détourner le regard en espérant qu’en chassant les mots nous chasserons la chose ». On peut d’ailleurs se demander si une fresque d’un collège de San Francisco sur la vie de George Washington – censurée à la demande de parents d’élèves qui jugeaient ce rappel de l’esclavage offensant – aurait subi la même déconvenue en Europe face au respect impérieux du droit moral... En miroir, la question des distributions théâtrales a pu susciter d’autres polémiques : pour le juge, le fait d’utiliser des femmes pour jouer la pièce En attendant Godot violait la volonté de Samuel Beckett, pour qui ces rôles devaient être joués exclusivement par des hommes. En revanche, la Comédie-Française n’a pas été condamnée pour ne pas avoir respecté le souhait de Bernard-Marie Koltès, selon lequel les personnages de Noirs ou d’Arabes de ses pièces ne devaient être interprétés que par des Noirs ou des Arabes (Tribunal de grande instance de Paris, 20 juin 2007, n° 07/05841. V. égal. C. Desclés, L’Affaire Koltès. Retour sur les enjeux d’une controverse, L’Œil d’or, 2015, et la recension qu’en fit Clémence Hérout dans NOTO n° 5, printemps 2016). Ces cas dévoilent l’un des chefs d’accusation de la censure éthique actuelle incarnée par une « appropriation culturelle » qui est, selon Carole Talon-Hugon, particulièrement discutable : « L’idée selon laquelle on ne peut pas jouer, au cinéma ou au théâtre, un rôle de transsexuel ou d’Amérindien si on n’est ni l’un ni l’autre relève d’une incompréhension de ce qu’est le théâtre ou le cinéma, puisque cela revient à confondre l’acteur et le personnage. Il y a là un aveuglement idéologique combiné à une méconnaissance ou une ignorance culturelle ». Dès lors, comment assurer une diffusion – et la production – de la création si les institutions et entreprises culturelles ne peuvent plus rendre compte de certains pans de la création artistique de leur temps face aux demandes de retrait au nom d’une certaine moralité ?
PROTECTION ET (AUTO)CENSURE
Fin 2018, le Centre Pompidou a retiré en catimini l’œuvre Necessità dei Volti (« L’urgence des visages ») – à propos de la situation politique au Sahara occidental –, en raison des
nombreuses protestations venant des autorités culturelles marocaines. Une situation tellement paradoxale que la députée Marie-George Buffet s’en est émue lors d’une question à l’Assemblée nationale : « Le simple fait qu’un État étranger, par un intermédiaire ou un autre, exerce des pressions sur un musée public pour faire retirer une œuvre d’art est une atteinte grave à la liberté de création et de programmation » (Question n° 14311, in Journal officiel Assemblée nationale, 20 novembre 2018, p. 10371). Une interrogation à laquelle le ministère de la Culture n’a toujours pas donné suite. Et que penser de la situation d’autocensure des centres d’art après le retrait de l’installation Silence bleu de Zoulikha Bouabdellah – des stilettos sur un tapis de prière – au Pavillon Vendôme, à Clichy (Hauts-de-Seine), ou de la vidéo Sleep Al Naim de Mounir Fatmi par la villa Tamaris, à La Seyne-sur-Mer (Var) ? En ce sens, la proposition d’une nouvelle définition du musée par le Conseil international des musées (Icom) est intéressante, en ce qu’elle énonce qu’ils sont des lieux « dédiés au dialogue critique sur les passés et les futurs, [...] reconnaissant et abordant les conflits et les défis du présent ». Ce « dialogue », bien loin de la « voyance » évoquée par les prêcheurs de la bonne moralité patrimoniale, est peut-être l’occasion pour l’Icom, organisation qui n’a d’ailleurs aucun pouvoir juridique, de réaffirmer symboliquement la liberté des musées en ces temps obscurs. Contestée par 22 des 124 comités nationaux (dont la France), cette proposition a vu son adoption pour l’heure reportée, à la suite de l’assemblée générale extraordinaire de l’Icom à Kyoto le 7 septembre 2019.
Il est vrai que la question de l’autocensure institutionnelle n’est pas étrangère à la volonté́ de protéger certains types de publics, et notamment les plus jeunes. En effet, l’article 227-24 du Code pénal sanctionne le fait « de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support un message à caractère violent, incitant au terrorisme, pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine ». C’est sur ce fondement qu’en 2000 une association a déposé plainte contre les commissaires de l’exposition Présumés innocents, l’art contemporain et l’enfance et le directeur du CAPC, musée d’art contemporain de Bordeaux, pour en dénoncer l’aspect « pornographique », mais un non-lieu fut finalement ordonné (Cour de cassation, 2 mars 2011, n° 10-82.250). Quelques années plus tard, l’exposition « You Are My Mirror 1 : l’infamille » au Frac Lorraine a attiré les foudres d’une autre association en raison du caractère « pédopornographique » de certaines pièces de l’artiste Éric Pougeau. Cependant, la Cour de cassation a récemment censuré l’arrêt d’appel qui avait affirmé la liberté d’expression du Frac, au motif qu’il n’avait pas fait application du principe du respect de la dignité de la personne humaine édicté par l’article 16 du Code civil (Cour de cassation, 26 septembre 2018, n° 17-16.089). L’affaire qui sera prochainement rejugée permettra donc de sortir du flou juridique. Néanmoins, le choc laissé par ces litiges a conduit les institutions à se prémunir et à sécuriser leurs manifestations. La protection devient une autocensure institutionnelle – ne plus inclure d’œuvres sensibles – ou un principe de précaution, matérialisé par une signalétique informant les visiteurs du contact avec des œuvres sensibles ou susceptibles de heurter un jeune public. En 2010, la mairie de Paris a ainsi cristallisé le débat en interdisant l’accès aux mineurs – pourraient-ils d’ailleurs déposer plainte pour discrimination ? – à la rétrospective Larry Clark, compte tenu du caractère « sexuel » des œuvres exhibées. Une action renouvelée au Grand Palais ou au Centre Pompidou, où des salles furent réservées aux œuvres « pornographiques » de Robert Mapplethorpe ou de Jeff Koons, en 2014. Serait-il alors impossible de présenter à des mineurs les corps d’Egon Schiele ou ceux de la statuaire gréco-romaine ?
L’occasion de préciser qu’en matière cinématographique, le visa d’exploitation constitue une autorisation administrative nécessaire à tout film pour être exploité dans les salles de cinéma. Il s’agit d’une véritable censure a priori, tant le visa peut être refusé ou subordonné à des conditions notamment liées à la protection de l’enfance ou de la jeunesse : interdiction aux moins de 12 ans, 16 ans, 18 ans non classé X et 18 ans classé X (Code du cinéma et de l’image animée, article L. 211-1. V. égal. J.-M. Pastor, « La classification des œuvres cinématographiques : la fin des controverses ? », in Juris art etc. avril 2017, n° 45, p.
44). Souvenons-nous de l’affaire du film de Jacques Rivette La Religieuse, qui fut censuré de 1966 à 1975 en raison d’une sexualité « dérangeante ». Toutefois, les récents contentieux à propos des films Nymphomaniac de Lars von Trier (2013) (Cour administrative d’appel de Paris, 12 juillet 2016, n°16PA00287) ou Love de Gaspar Noé (2015) (Conseil d’État, 30 septembre 2015, n° 392461) ont conduit le législateur à rénover les conditions d’interdiction des films aux mineurs par un décret du 8 février 2017.
Des dérives qui dépassent le simple cadre muséal. La pièce de Romeo Castellucci Sur le concept du visage du fils de Dieu, qui avait déjà suscité́ la polémique lors de sa création à Paris en 2011, fut interdite en 2018 par la préfecture de la Sarthe : le metteur en scène avait alors dû supprimer une scène litigieuse. Jean-Pierre Mocky défendait lui aussi une certaine idée de la liberté de création : son film Les Ballets écarlates (2005) fut un temps censuré par le ministère de la Culture, tandis que la RATP refusa de placarder les affiches « coquines » des Saisons du plaisir (1988) et de Il gèle en enfer (1990). Tout aussi récemment, le scandale de la réédition des pamphlets de Louis-Ferdinand Céline par l’éditeur Gallimard, finalement repoussée sine die, n’est pas étranger à ce constat. Denis Ramond y voit la dérive d’une censure rétrospective : « On s’indigne de la réédition de textes dont la nocivité́ était réelle au moment de leur publication, c’est-à-dire lorsque personne ne songeait à les interdire ». Aussi, « la limitation de la liberté d’expression se fait en quelque sorte ‘‘après coup’’. L’idée serait d’éviter que l’histoire ne se répète, si bien que l’on se retrouve dans la situation quelque peu absurde d’empêcher la publication de textes qui ont largement perdu leur pouvoir de nocivité et qui, en l’espèce, intéresseraient surtout des chercheurs et des curieux ». Pour le docteur en science politique, le vrai débat proviendrait-il du dilemme moral que des éditeurs privés fassent du profit sur de tels produits ?
Enfin, l’explosion de la surveillance numérique influence la liberté des artistes, car « ces actions ne se contentent pas d’endiguer un flux d’idées, elles limitent également la liberté artistique et, plus important, leur capacité à entrer en contact avec leur public » (S. Whyatt, « Promouvoir la liberté d’imaginer et de créer », in Re/Penser les politiques culturelles. La créativité au cœur du développement, Unesco, 2018), selon la chercheuse Sara Whyatt. Par exemple, de nombreux réseaux sociaux interdisent les contenus de leurs utilisateurs au titre de leurs « normes de conduite ». Des règles souvent ouvertes à interprétation en ce qui concerne le terrorisme ou la nudité, et qui sont régulièrement dénoncées par des artistes contraints d’autocensurer les pêches et autres aubergines de leurs créations. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue une distinction fondamentale : ces entreprises ont une logique mercantile, et la société états-unienne est plus frileuse en matière d’expression sexuelle que politique, à la différence des sociétés européennes. La censure américaine n’est donc pas la censure française. De surcroît, l’atmosphère globale de la moralisation a d’autres effets sur les artistes, selon Carole Talon-Hugon, car « nous ne sommes plus dans la transgression des années 1970, et nombreux sont les artistes à vouloir être reconnus comme politiquement corrects, ou tout du moins œuvrer dans ce sens. À cette autocensure s’ajoute le fait que, depuis les années 1980, la politique culturelle d’aide à l’art contemporain est créatrice d’intentionnalité : comment obtenir une subvention quand l’œuvre d’un artiste ne correspond pas aux attendus des dossiers, qu’elle ne participe pas, par exemple, du ‘‘vivre ensemble’’ ou de la ‘‘tolérance’’ ? Derrière ces aides publiques se cache une censure indirecte : en encourageant à créer un certain type d’œuvres, on décourage de faire autre chose ».
Les artistes pourraient-ils s’expatrier vers des domaines plus libres ? « Face à la sclérose du cinéma de genre et son manque criant de moyens et de considération dans l’Hexagone, les jeunes scénaristes français se tournent de plus en plus vers le jeu vidéo, où la liberté est bien plus grande, non seulement dans la création, mais aussi dans les messages portés par les œuvres », indique Pierre-William Fregonese, docteur en science politique et auteur d’un récent ouvrage sur cet univers (P.-W. Fregonese, Raconteurs d’histoires. Les mille visages du scénariste de jeu vidéo, Pix’n Love, 2019). Art total du XXIe siècle, le jeu vidéo pourrait-il être le nouvel eldorado de la liberté de création ? Peut-être, mais la vraie liberté suppose avant tout que le public dispose des armes nécessaires pour comprendre ce qui lui est donné à voir.
ÉDUQUER POUR LIBÉRER
Au fond, c’est peut-être vers un renforcement de l’éducation qu’il faudrait se tourner. Une question jugée essentielle par Thibault Boulvain : « On apprend à compter et à lire, mais pas à voir, alors que l’éducation de l’œil permet de former le jeune public sur ce qui peut être choquant ou perturbant dans l’art et donc comprendre l’indicible de la société. C’est seulement par ce biais que l’appréhension de la censure par les générations futures pourra être différente ». D’où l’importance d’une éducation culturelle. Carole Talon-Hugon estime que « l’éducation à l’art et par l’art a un rôle capital. Elle doit commencer très tôt et être consistante, c’est-à-dire initier aux grandes œuvres du passé de l’humanité autant qu’à celles d’aujourd’hui. Ce sont ces nourritures intellectuelles et spirituelles qui font les esprits droits, les rendent résistants aux modes et critiques à l’égard des idéologies. La nouvelle génération est performante dans le nouveau monde, mais pour le comprendre et le juger sainement, elle doit aussi être familière de l’ancien monde. Aller au théâtre et au musée n’est pas une sorte d’extravagance ou une manière sociale de se distinguer, mais un accomplissement, une manière d’être plus vivant. D’où l’importance de l’éducation pour faire naître une appétence qui, par la suite, s’entretiendra elle-même ». Tel est le souhait de l’enseignement artistique et culturel, qui entend proposer une éducation à l’art en même temps qu’une éducation par l’art (V. le dossier « Aux arts citoyens ! », in Juris art etc., mars 2016, n° 33, p. 19), notamment par la pratique artistique ou les rencontres avec les artistes, et dont « les effets se font très vite ressentir en ce qui concerne l’ouverture d’esprit, la tolérance, la compréhension des formes symboliques », selon Emmanuel Ethis, car « c’est bien ainsi que l’on peut espérer voir émerger des talents de toutes parts, mais aussi cette liberté de penser le monde avec le regard utile sur nos arts, notre culture, la reconnaissance de ce que signifie l’acte de création – qui peut être un acte très modeste, contrairement à ce que peut laisser penser le côté pompeux de l’expression –, notre vision du monde. Agnès Varda s’attardait sur les patates en forme de cœur, je crois qu’elle a raison. L’éducation artistique et culturelle est ce qui permet de transfigurer le banal et de nous rappeler que nous sommes tous dotés d’imagination ».
En définitive, « les expressions artistiques et la création font partie intégrante de la vie culturelle. Elles impliquent la contestation du sens donné à certaines choses et le réexamen des idées et des notions héritées culturellement » (F. Shaheed, « Le Droit à la liberté d’expression artistique et de création », 2013, rapport des Nations unies A/HRC/23/24). Pour autant, ce n’est pas parce qu’il n’y a plus de censure qu’il y a davantage de liberté. Les racines de la liberté sont bien plus profondes que celles de la création, elles s’ancrent là où finit l’ignorance.
Cette enquête est initialement parue dans la revue culturelle
NOTO, n° 14, été 2020, p. 46-59.
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